Samedi 17 novembre. 12h39 en France. 13h39 dans la Bande de Gaza. La voix d’Amir retentit dans le combiné. Depuis la dernière fois que je lui ai parlé, moins de 24 heures ont passé. « La situation est horrible. Je n’ai pas réussi à dormir et ce matin, aux alentours de 5 heures, le Palais du Gouvernement a été bombardé. A présent il est complètement effacé, il ne reste que des ruines. » Amir et sa famille ont senti les tremblements dans leur appartement. Ils vivent au troisième étage. « La Cité Yasser Arafat pour la police mais aussi le stade de Palestine ont été touchés. C’est le plus grand stade de la Bande de Gaza. » Ce matin, le Ministre Tunisien des Affaires Etrangères était sur place avec d’autres ministres. Amir dit qu’ils ont été choqués par la situation, particulièrement à l’hôpital Shifa. Une réunion doit se tenir au Caire entre les Ministres Arabes des Affaires Etrangères et le Ministre Tunisien compte y apporter son témoignage. « Pendant cette visite, les bombardements ont été moins nombreux. Puis ils sont partis, alors les bombardements ont repris. J’avais le sentiment de voir l’appartement danser tellement ça bougeait. Le problème c’est que le bâtiment commence certainement à être très fragile et donc risque de s’effondrer. »
Amir n’est finalement pas sorti. Il est resté chez lui. Cela fait trois jours qu’il n’a pas mis les pieds dehors sauf pour voir sa grand-mère. « Dans les boulangeries, on sait qu’il y a des queues de près de trois heures afin de pouvoir acheter du pain. Par contre on ne peut pas avoir autant de pain qu’on veut. Il faut faire en sorte qu’il y en ait pour tout le monde. » Les réserves en eau s’amoindrissent de plus en plus. Et l’eau du robinet n’est pas potable. Ils doivent donc l’acheter également. « Nous avons appelé le monsieur qui vend l’eau afin qu’il puisse passer dans notre quartier avec son camion. Mais il ne peut pas prendre de risque. Je le comprends. » Le frigo est quasiment vide et d’ailleurs il ne marche plus. Les coupures incessantes d’électricité ont eu raison de lui tandis qu’il est neuf. « A 14 heures, il n’y aura plus d’électricité et cela pendant huit heures. C’est comme ça depuis six ans maintenant, depuis qu’Israël a décidé du blocus. »
Amir me reparle de cette menace d’incursion terrestre tandis qu’à nouveau le Ministre Palestinien de la Santé a appelé à l’aide en demandant aux pays arabes des convois de médicaments. Sans cela, les blessés finiront pas mourir également en martyr. « C’est une ambiance de guerre ici. Etre encore en vie est une question de chance. Tout le monde est touché. Dans les hôpitaux, il y a des enfants, des femmes, des personnes âgées… ». Et Amir ne pense pas qu’à lui. Il a aussi une pensée pour les journalistes présents dans la Bande de Gaza malgré cette guerre et qui filment, photographient, interrogent au péril de leur vie. « Ils sont très courageux et ils peuvent eux aussi se faire tuer. » Amir me dit que la ville de Gaza est très dangereuse et il n’y a pas d’abri pour les civils. « Moi je n’ai pas de lien avec cette guerre. Alors pourquoi est-ce qu’on nous attaque ? Ce conflit ne m’intéresse pas. Pourquoi sommes-nous touchés ? Israël ment, il n’y a que des civils qui meurent ! » Amir me dit que son peuple va petit à petit mourir de ce blocus car son peuple n’a rien. « Nous n’avons pas eu le temps de nous reconstruire complétement depuis l’opération Plomb Durci de 2008 et même quand on a réussi à reconstruire un bâtiment, voilà qu’il est détruit par Israël. Quand l’opération israélienne sera finie. Ce sera une double catastrophe ! »
Avant de raccrocher Amir me laisse un dernier message. « Siham, il faut crier pour nous. Pendant que vous manifestez, il y a des martyrs qui tombent. Il faut manifester chaque jour et ne pas manifester aujourd’hui samedi et rentrer chez vous. Ca ne sert à rien du tout. Et si aujourd’hui je suis vivant pour te donner des nouvelles, sache que dans une heure je pourrais mourir et un autre Palestinien aura donc été tué. »
chaque mot de cet article m’a tué ..
merci pour ce témoignage, ce lien qui nous garde avec ce qui se passe à Gaza; merci Amir pour ton courage et pour ce que tu as dit à la radio