Les pêcheurs, l’eau, la musique face aux F16 israéliens

Dimanche 30 Décembre 2012. Nouvelle journée d’exploration dans la Bande de Gaza. Le soleil est encore au rendez-vous. On se souviendra de ce soleil de Palestine tandis qu’à Paris, la température est glaciale ! Ce matin, nous devons rencontrer les pêcheurs, victimes du blocus maritime. Avant cela, Nabil Abu Shammala, du ministère de l’agriculture et de la pêche, et Nizar Ayyash, président du syndicat des pêcheurs, nous apportent des informations sur la situation. « Les pertes économiques palestiniennes sont très grandes. Le chômage est élevé. Les pêcheurs ne peuvent même pas tirer de bénéfices de leur travail. Le peuple Palestinien a besoin d’un soutien politique, juridique. De l’humanitaire, il faut aujourd’hui passer à l’humanisme ! L’Union Européenne est paradoxale dans ses décisions. Elle finance un programme alimentaire mais permet le blocus sur la Bande de Gaza. Quand elle décidera de financer la reconstruction du port, de l’aéroport, elle laissera Israël tout bombarder à nouveau », nous dit Nizar Ayyash.

Un bateau sur le port

Un bateau sur le port

Plus le temps passe et plus l’espace en mer dont peuvent jouir les Palestiniens diminue. « Avec les accords d’Oslo, ils avaient à leur disposition 20 miles. Avec le temps, ces 20 miles ont été réduits à seulement 3 miles. Puis 6, après l’opération Pilier de Défense. Mais 3 ou 6, qui peut dire qu’Israël respecte cela ? Des pêcheurs étrangers vous diront que de toute façon, ce n’est pas assez pour pêcher et avoir accès à de nouvelles ressources ! » Quotidiennement, des vedettes de l’armée israélienne patrouillent au large des côtes afin de s’assurer qu’aucun Palestinien ne va au delà de cette permission. Souvent, les soldats tirent sans même sommer les Palestiniens de s’éloigner.

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Sami a perdu sa main

Nous rencontrons Sami. En 2007, alors qu’il pêche au sud de la bande de Gaza, à environ 2 miles des côtes vers Rafah, il se fait tirer dessus sans sommation. Son bateau coule. Il est touché à la main et à l’avant bras. Il réussit à regagner le rivage à la nage. Après 36 heures dans un hôpital palestinien, il est transféré dans un établissement israélien où on l’amputera. L’armée s’excusera en disant l’avoir pris pour un trafiquant d’armes. Jusque là, il n’a reçu aucune aide financière de quiconque. Il n’a aucun espoir que ses démarches juridiques aboutissent. Alors il a dû recommencer à travailler, comme il peut, avec une seule main.

Mahmoud a reçu une balle dans le genou

Mahmoud a reçu une balle dans le genou

Mahmoud, tout près de Sami, prend appui sur une béquille. Il est atteint d’une maladie des reins et doit subir des dialyses régulièrement. Un jour, tandis que lui et un de ses collègues sont en mer, les Israéliens les arrêtent et leur demandent de se déshabiller. Mahmoud refuse et se fait tirer dessus. Une balle dans le genou. Emmené à Sderot, il ne reçoit pas de soins médicaux dans l’immédiat. Dix heures plus tard, son collègue est relâché et Mahmoud prend la direction d’un hôpital où on lui dit qu’il ne doit sa vie qu’à la chance, en raison de ses problèmes sanguins. Trois jours après son arrestation, il est relâché au passage d’Erez où il doit marcher avec sa seule jambe valide. Il est retourné auprès des siens après ce calvaire. Mais aujourd’hui Mahmoud vit avec cette douleur dans le genou. Mais aussi la douleur d’avoir arrêté la construction de sa maison.

On s’interroge alors. Comment seraient les choses si les Anglais venaient empêcher les Français d’aller pêcher dans les eaux qui leur appartiennent pourtant ? Les défenseurs des Droits de l’Homme crieraient au scandale. Mais dans l’eau bordant la Bande de Gaza, la souveraineté palestinienne est une notion inconnue… Sur le chemin du retour, nous scrutons le mémorial Mavi Marmara, érigé sur le port avec les noms des personnes assassinées par Tsahal. Le 31 mai 2010, le bateau venant briser le blocus avait été arraisonné dans les eaux… internationales ! Neuf militants turcs avaient péri.

Sur le port, un hommage au Mavi Marmara

Sur le port, un hommage au Mavi Marmara

Nous longeons la côte. La mer qui devrait être synonyme de liberté. Nous arrivons à Deir El Balah. Sur la plage, se trouvent des ruines. Des bateaux encore solides, d’autres endommagés ou détruits. Des missiles sont venus réduire à rien des outils de travail et les économies de toute une vie ! Face à cela, la Méditerranée est belle…

Une barque revient sur la plage à Deir El Balah

Les enfants sont aussi là. Des petits crabes sont dans le coin. Les coquillages. Tout « ressemble » à une plage. Nous mettons même les pieds dans l’eau ! Ressembler… Ce verbe prend tout son sens lorsque l’on se rend dans la Bande de Gaza, en Palestine. « Ca rassemble » à la paix, à la normalité mais c’est toute autre chose ! En retournant à Gaza, nous devons faire un détour, Israël a bombardé un pont. Couper le Sud du Nord. Le Nord du Sud. Autre coup de pression.

Couper la Bande de Gaza en 2 en bombardant un pont

Couper la Bande de Gaza en 2 en bombardant un pont

Retour rapide à l’hôtel. Certains décident d’aller manger dans un restaurant où le personnel est sourd et muet. Dans la Bande de Gaza, il y a des expériences si magiques… D’autres se rendent à l’hôpital Al-Shiffa afin de remettre des dons financiers. D’autres restent au calme, trient les photos prises, discutent, se préparent pour la conférence de la coalition EWASH, groupe d’urgence pour l’eau, l’assainissement et l’hygiène.

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Conférence par l’organisation EWASH

14h. Nous sommes installés, les yeux rivés sur la présentation projetée et les plaquettes d’information distribuées. Les intervenants nous parlent de l’eau palestinienne. Je me souviens qu’en arrivant à l’hôtel, le 27 décembre, on nous avait interdit de boire au robinet. Effectivement, dans la Bande de Gaza, l’eau n’est pas potable et est dangereuse si elle est consommée. Il y a aussi un gros problème de traitement des déchets. Une partie va polluer l’aquifère, la nappe d’eau souterraine. Le nitrate est beaucoup trop élevé. Il existe également un grave phénomène, celui du « Bébé Bleu ». Les enfants naissent bleus en raison d’un problème de circulation de l’oxygène. Les habitants de la Bande de Gaza doivent donc se tourner vers les vendeurs d’eau en citerne, vers l’eau purifiée qui ne l’est jamais à 100%. Mais tous ne peuvent pas se permettre d’en acheter.

EWASH montre une maison de Beit Lahia non reliée à l’égout

EWASH montre une maison de Beit Lahia non reliée à l’égout

La consommation palestinienne moyenne d’eau par jour est bien en dessous des 100 litres recommandés par l’OMS. Selon le Droit International Humanitaire, « une puissance occupante est responsable du bien-être de la population civile et doit assurer aux citoyens les besoins essentiels pour survivre : la nourriture, l’eau, les soins médicaux et l’abri. » Dans la Bande de Gaza, des millions de litres d’eau d’égout se déversent chaque jour dans la Mer Méditerranée. Etant donné la pénurie de stations d’épuration, beaucoup de familles ont recours aux fosses septiques ou aux réservoirs pour collecter les eaux usées, évacuées par la suite. Les familles dans ce cas ont très souvent honte de recevoir leurs proches en raison des odeurs fortes. Sans parler des enfants qui souffrent de maladies. La suite est encore très longue et http://www.ewash.org/en/ met en exergue tout cela !

Vers 17h, nous avons devant nous quelques heures de libre. Avec des membres de la délégation, nous allons vers le centre de Gaza. Une fois dans le taxi, le chauffeur nous montre un ministre qui passe dans la rue en voiture. Une telle proximité ! Déjà au cours de l’après-midi, certains avaient croisé Ismaël Haniyeh, le Premier Ministre Palestinien. Puis, nous découvrons un peu plus la ville, l’effervescence de Gaza. Nous passons près du jardin du Soldat Inconnu. Nous découvrons aussi l’immeuble, où se trouvaient des journalistes, qui avait été la cible d’Israël au cours de l’opération Pilier de Défense. La vie continue autour !

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Deux heures plus tard, nous sommes assis au Conservatoire de Musique. Ce soir du 30 décembre, nous avons rendez-vous avec la musique, avec les notes de qanus, de oud, de piano… Des enfants se mettent à jouer de ces instruments et nous emportent. Un morceau de Fairouz nous est joué. La Bande de Gaza est musique et art. Nous sommes plongés dans cet air quand on nous apprend que le bruit dans le ciel que l’on peut entendre, puisque nous sommes tout près de la fenêtre, est celui d’un F16… Mais la musique prend le dessus dans la pièce.

De retour à l’hôtel, nous rencontrons des membres du Club des Jeunes Journalistes  « Young Journalist Club », qui a pour vocation d’accompagner les enfants et jeunes de la bande de Gaza dans leur apprentissage du journalisme. Un but si important pour parler de la situation en Palestine. Viendront aussi se joindre à nous des membres du Peace Club qui vient permettre aux personnes handicapées de pratiquer le sport : basket, tennis, natation, athlétisme…

A nouveau la Bande de Gaza nous prouve que NON, elle ne se lamente pas. Elle se bat. Elle vit. Elle veut juste être normale !

A SUIVRE…

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