Bientôt un an que la famille Atmani a pris la route… pour cinq ans ! En août 2013, Malika, Anouar, Meïssa, Mehdi et Maya ont fait le choix de quitter le Maroc et de découvrir le monde jusqu’en 2018. Soit cinq années de voyage, d’escales, de découvertes pour cet équipage « Planet Khmissa ». Maroc, Espagne, Belgique, Uruguay, Argentine, Chili, Bolivie, Pérou, Brésil, Equateur, Colombie… Tant de pays à voir… En ce mercredi 11 juin, l’équipage est à Santa Cruz de la Sierra en Bolivie où leurs enfants qui sont appelés les « 3M » doivent passer leurs examens finaux. Malika Atmani en a profité pour répondre aux questions du blog.
à l’Encre de ma Plume : Vous êtes aujourd’hui en plein tour du monde, comment avez-vous pris cette décision ?
Malika Atmani : Ce fut le plus difficile en fait. Prendre la décision nous a pris pas mal d’années, le temps de mûrir l’idée. Nous en étions tétanisés tellement les implications étaient énormes.
Notre motivation principale ne s’arrêtait pas au simple fait de faire un tour du monde, mais s’inspirait de la volonté de changer de vie, d’en commencer une autre…Vous savez ce n’est pas évident de changer de vie ! Dans ce monde en pleine mutation et en plein bouleversements : la technologie, l’environnement, la population, les valeurs, la culture, l’éducation… Nous étions persuadés que le projet n’était pas si fou que cela, mais qu’au contraire cela permettait d’une part pour notre petite famille de se souder autour de certaines valeurs en perdition telles la famille, la tolérance, l’acceptation de l’autre, mais aussi d’oser et apprendre à nos enfants l’initiative et la citoyenneté universelle.
Faire tout cela en représentant humblement notre pays, notre Marocanité, notre diversité culturelle, notre tolérance religieuse aurait été pour nous aussi bien un honneur qu’un apprentissage supplémentaire pour nos trois enfants.
ALDMP : Comment a-t-il fallu s’organiser ? Comment prépare-t-on une telle aventure ?
M.A. : On ne savait pas par quel bout commencer ! Mais le premier travail a été de saucissonner le projet en familles principales. Finalement, nous en avions défini six qui sont : l’itinéraire, l’éducation des enfants, les visas, le véhicule, les assurances et le plus important les finances et la budgétisation.
Ce qui a rendu le travail plus compliqué c’est que ces familles sont interdépendantes entre elles ! Il a fallu en gros plus de deux années et demie de préparation où nous avons travaillé très tard chaque nuit après le travail de chacun en plus des week-ends. Bien que très fatiguant, cela a été un voyage dans le voyage. Les milliers d’heures d’Internet et de documentation nous ont fait voyager avant l’heure et nous ont appris énormément aussi bien à nous qu’aux enfants car nous les avons associés à toutes les étapes de la décision depuis le début.
L’étape déterminante a été le choix de l’itinéraire car il conditionnait tout le reste. Nous voulions initialement commencer par notre continent, l’Afrique, mais pour des raisons de sécurité cela n’a pas été possible car cela coïncidait avec les perturbations politiques au niveau du Sahel Africain et la sortie par l’Est n’était pas possible non plus vu la fermeture des frontières par nos voisins algériens.
Du coup, nos enfants étant scolarisés à l’école espagnole, le choix s’est imposé de lui-même… Puis le reste a suivi doucement.
ALDMP : Qui retrouve-t-on dans votre « équipage » au sein de cette aventure ? Et qu’est ce que chacun faisait avant cette aventure ?
M.A. : « L’équipage » est une belle métaphore… Dans cette aventure, tout le monde fait plus au moins les mêmes choses à des degrés différents. Cela peut se résumer en quatre aspects : l’école, la maintenance dans Mesk Ellil (notre camion), la planification de notre itinéraire et la connexion avec les gens que nous rencontrons.
Pour l’école, aussi bien mon époux que moi nous partageons les cours pour les enfants, chaque jour nous travaillons quatre à cinq heures avec les enfants.
Pour la maintenance de Mesk Ellil, les tâches aussi variées comme le nettoyage, la vaisselle, les petites réparations, les courses, la cuisine… Chacun contribue à sa façon aussi bien les enfants que les adultes.
La planification aussi car comme je vous l’ai dit les enfants décident avec nous des arrêts, des visites, des itinéraires… Nous le faisons aussi en fonction des impératifs de l’école (Internet, examens), des validités de visas et des aspects climatiques-géographiques pour les points d’intérêts en fonction de l’école…
Il est vrai que cela nous change de notre vie antérieure sur le plan professionnel où Anouar a été pendant 26 ans un homme de « bureau » et que moi-même bien que maîtresse de maison, j’exerçais en tant que professionnelle en ressources humaines et développement des compétences en entreprise.
Les enfants eux aussi allaient à l’école pendant six heures et faisaient leurs devoirs à la maison pendant trois autres heures. Ils ne « s’évadaient » et ne vivaient l’ambiance familiale, avec nous, réellement, que lors des week-ends si Anouar était là car il voyageait énormément pour son travail.
Tout cela pour dire que maintenant nous vivons des choses beaucoup plus simples, avec simplicité et bonheur quotidien Al Hamdou Lillah.
ALDMP : Quelles sont les difficultés rencontrées dans votre voyage ? Et au contraire les choses les plus « fun » ?
M.A. : Incontestablement les visas et les pannes mécaniques de Mesk Ellil. Nous savons que les soucis avec le véhicule font partie du voyage, mais en tant que parents, notre stress quotidien est de mettre en péril la sécurité physique et psychique de nos enfants, donc les pannes ont toujours été les plus difficiles à surmonter. Mais grâce à Dieu, à chaque fois, nous avons pu gérer cela avec l’aide de personnes généreuses qui nous ont, à chaque fois, aidé à surmonter les difficultés.
Comme vous dites il y a aussi les choses les plus « fun » car il y a aussi l’autre côté de la médaille et pour ne citer que quelques-uns : les rencontres avec les lamas, la vue des glaciers, les bivouacs au milieu de nulle part, les traversées à plus de 4 800 mètres, les rencontres dans les écoles rurales,… sont autant de magies quotidiennes Al Hamdou Lillah.
ALDMP : Quelles sont les anecdotes les plus marquantes de cette aventure ?
M.A. : Je dirais la rencontre avec des Marocains !
Rencontrer une famille marocaine au parc « Tierra Del Fuego » à Ushuaia au bout du monde a été tellement incroyable pour eux et pour nous. Pour eux de croiser un véhicule avec une plaque marocaine et pour nous de s’entendre dire « Assalam Aalikoum » au bout du monde a été presque anecdotique et surtout un moment très fort.
Puis aussi à l’entrée de la saline de « Uyuni » en Bolivie dans un désert de sel de 100 000km², se faire arrêter par un Marocain qui vous dit « Sabah Al Kheir al Ikhouane » est juste impensable : cela démontre dans tous les cas la grande force des Marocains et leur grand courage.
ALDMP : On doit rencontrer bon nombre de gens, l’échange humain est-il fort ?
M.A. : Alors là ! Et comment que l’échange est très fort ! Premièrement nous avons la chance d’être Marocain avec notre bagage culturel qui nous permet de nous adapter très facilement dans des environnements différents des nôtres et de ne pas avoir de barrières culturelles. Deuxièmement nous avons aussi la chance de parler plusieurs langues et notamment l’espagnol et de ne pas avoir de barrière linguistique. Et puis troisièmement nous avons de la chance avec notre véhicule Mesk Ellil qui ne passe pas inaperçu et sur lequel le drapeau Marocain est assez évident, cela interpelle et attire la curiosité des autres… Tout cela permet un contact assez facile avec les autochtones.
Depuis notre départ, nous avons eu le privilège de rencontrer des gens hors du commun, des gens avec un cœur hors du commun, des gens avec une simplicité et un humanisme hors du commun et cela presque au quotidien ! Cela donne beaucoup d’espoir : il y a énormément de personnes sur Terre avec des valeurs, de la foi, du cœur qui vous ouvrent leurs bras sans conditions et qui vous donnent des leçons de générosité et d’humanisme.
Un vrai régal ! Une vraie magie ! Du bonheur en toute simplicité ! Besslamet aljamii…
ALDMP : Avez vous envie de revenir ?
M.A. : Et comment ! Nos familles nous manquent, nos amis nous manquent. Les bon plats nous manquent, notre pays nous manque… Nous sommes partis pour un but bien précis et nous comptons rentrer et le partager avec ceux qui le souhaitent InchaAllah.
ADLMP : Enfin, vous reverra-t-on bientôt sédentaire ?
M.A. : Que pensez vous du « tour du monde du Maroc » ?
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