Au Maroc, l’association JOOD vient en aide aux sans-abris dans certaines villes du royaume. Distribution de repas, de produits d’hygiène, de couvertures, accompagnement à la réinsertion, aide pour accéder aux soins et au logement… Les missions de JOOD sont nombreuses. Comment l’association a-t-elle été créée ? Qui est à sa tête ? Quel est le fonctionnement de l’organisation ? Le blog a interviewé la présidente, Hind Laidi, pour répondre à toutes ces questions
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Alencredemaplume.com : Dans un premier temps, pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Hind Laidi : Je suis Hind Laidi, divorcée et maman de deux enfants. Directrice d’une société dans l’audiovisuel, j’ai créé l’association JOOD.
Alencredemaplume.com : Parlez-moi de la création de JOOD, comment l’association est-elle née ?
Hind Laidi : En 2009, j’ai subi une chirurgie banale de l’appendicite. Mais dans la salle de réveil, j’ai failli ravaler ma langue et j’étais à deux doigts de mourir. On m’a sauvée. Chez nous quand quelqu’un naît on égorge un mouton et quand quelqu’un est sauvé d’un événement tragique, on le fait également. Après cet épisode ma mère a donc sacrifié un mouton. Elle a cuisiné un énorme couscous et a mis tout ce qu’il y avait en trop dans des barquettes pour que j’aille les donner aux personnes dormant dans la rue. C’est ainsi que j’ai réalisé ma première maraude. Je me rappelle que les gens priaient en ouvrant les barquettes voire pleuraient comme s’ils avaient gagné au loto. A mes yeux, un repas c’était tout bête mais pas pour tout le monde. Pour la première fois de ma vie, j’ai pris conscience de la misère réelle : avoir faim et froid, n’être regardé par personne mais ignoré par tout le monde. Quand je suis rentrée à la maison, j’ai eu mal au cœur et je ne me sentais pas prête à refaire ça. Bien sûr, je me suis dit qu’il fallait les aider. Mais seule, je ne savais pas comment faire car ils étaient nombreux. J’ai laissé tomber. Plus tard en 2015, donc six ans plus tard, je suis devenue présidente du club auquel j’appartiens : le Ladies Cercle International. Pour son mandat, toute nouvelle présidente doit proposer un projet et lors de ma présidence, le mien était que l’on réalise des repas à tour de rôle afin de les distribuer aux personnes sans abri. Au départ, certaines membres du club étaient réticentes bien que l’idée leur plaisait beaucoup. Se retrouver dans les rues la nuit leur faisait peur mais elles ont changé d’avis. Finalement, ensemble nous avons fait notre première maraude le 17 septembre 2015, à Casablanca. C’est ainsi que les bases de JOOD ont été posées bien que l’association n’avait pas encore été créée officiellement sous ce nom.
Alencredemaplume.com : Quel est le fonctionnement de JOOD ?
Hind Laidi : Mon mandat chez Ladies Cercle International a pris fin le 17 septembre 2016. Il a fallu que j’arrête l’action pour que la présidente qui suive puisse à son tour mettre en place sa propre action. Et je n’avais pas du tout envie de cesser les maraudes. Alors j’ai officiellement créé JOOD. Aujourd’hui, nous sommes 400 « joodeurs » comme je dis. Un joodeur est un membre-adhérent. Il participe par don d’argent ou en donnant son temps en préparant les plats et en distribuant. Nos moyens sont basés à 100% sur les dons des particuliers. Il n’y a ni aide étatique, ni sponsor. Certains donateurs préfèrent aussi donner de la nourriture et achètent des produits dont nous avons besoin et nous les ramènent. Du côté de l’organisation des maraudes, cela débute déjà la veille. On contacte les fournisseurs pour passer les commandes vers 13h : boucher, boulanger, primeur. Puis, le jour J les bénévoles arrivent vers 14h pour remplir les barquettes et travaillent jusqu’à 20h. Par la suite l’équipe devant réaliser la maraude arrive vers 22H30. Elle met les stocks dans les voitures et le tour des rues débute à 23h.
Alencredemaplume.com : Si vous deviez partager avec nous des anecdotes de vos maraudes, quelles seraient-elles ?
Hind Laidi : Tout ce que l’on voit dans les rues reste dans nos esprits. Il y a des gens que nous avons su aider et d’autres non. Je me rappelle de cet homme malvoyant que j’avais rencontré tout au début. Je n’ai rien fait pour lui ! Je ne savais pas où l’emmener. Il devait avoir la quarantaine. Je me suis sentie impuissante de ne pas savoir quoi faire… Un autre homme m’a marquée : Ba Lhel. Il dormait dans un jardin dans le Quartier des Habbous à Casa. Toujours souriant avec des blagues à raconter. Il est très instruit, parfaitement bilingue. A chaque fois qu’on arrivait vers lui, c’était notre pause. Un jour il était très triste. Il nous a dit qu’il dormait sur le même banc depuis un an et une semaine. Il nous a demandé de prier pour qu’il meurt car il se sentait fatigué. Ba Lhel nous a déchiré le cœur. On lui a dit que ce serait sa dernière nuit sur ce banc. On a réussi à lui trouver une chambre le lendemain. On a collecté de l’argent et des donateurs ont pu le prendre en charge. Il y a aussi eu cet appel sur Facebook. Une fois on m’a interpellée sur les réseaux sociaux pour signaler qu’une femme dormait dans la rue avec un enfant. En réalité, elle y était avec six enfants et cela faisait quatre mois déjà. Depuis un an et demi, on l’a prise en charge. Les enfants sont scolarisés et ils ont de bonnes notes. C’est une énorme joie de les voir ainsi.
Alencredemaplume.com : Avez-vous des antennes à travers le Maroc ?
Hind Laidi : Le 4 janvier 2017, une antenne s’est ouverte à Marrakech. Depuis le 30 juin, une autre a vu le jour à El Jadida. Dans chaque antenne, il y a toujours un directeur d’antenne et un vice-président. Ils gèrent les opérations comme nous faisons à Casablanca. Ils se réunissent les jours de distribution, font les achats, préparent les repas, recrutent les bénévoles. Le fonctionnement est donc le même, peu importe la ville.
Alencredemaplume.com : Quels sont les projets que vous avez déjà menés à bien et quels sont les objectifs pour le futur ?
Hind Laidi : Nous avons déjà achetés deux utilitaires nous aidant pour nos maraudes, le transport des marchandises. Dernièrement nous avons eu le don de deux villas mitoyennes. Le but est de les aménager pour les activités de JOOD afin d’y placer un espace de stockage de nos denrées mais aussi des vêtements. Cela nous aidera grandement à structurer JOOD qui grandit. A moyen terme, nous souhaiterions acheter des camions-douche et ouvrir plus d’antennes. A long terme, notre souhait est d’avoir des centres partout au Maroc où les SDF puissent se doucher, se restaurer, consulter des médecins, prendre soin d’eux avec un coiffeur… Pourquoi pas également leur permettre d’y suivre des ateliers de formation !
Vous souhaitez aider l’association JOOD ? Le RIB est disponible en contactant directement l’association. Vous pouvez également envoyer des fonds depuis l’étranger via Moneygram, WesterUnion…
Retrouvez Jood sur internet :
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