Dalia, depuis la Jordanie face au massacre à Gaza

La diaspora palestinienne à travers le monde assiste impuissante à la tragédie que vit la population dans la bande de Gaza. C’est le cas de Dalia qui depuis Amman, en Jordanie, suit l’actualité en Palestine tout en essayant de garder contact avec sa famille.

Dalia, dans la diaspora palestinienne face au massacre à Gaza

Lors du dernier voyage de Dalia à Gaza

Interdiction de vivre à Gaza et en Cisjordanie occupée

Dalia est née dans la bande de Gaza où elle a vécu durant trente ans. Son expérience professionnelle l’a menée à exercer dans de nombreux domaines : enseignement, formation, communication, médias sociaux… En mars 2021, elle se marie et son époux vit en Cisjordanie occupée, à Hébron. Aucun des conjoints n’est autorisé par les autorités israéliennes à rejoindre l’autre, soit dans la bande de Gaza, soit en Cisjordanie occupée. « Toutes mes demandes de permis de résidence ont été refusées par les autorités israéliennes », explique Dalia. Face à cette situation, le couple fait le choix de s’installer à Amman, en Jordanie. « Nous pensions que la vie serait ainsi plus facile pour tous les deux mais malheureusement ce n’est pas le cas. En effet, je n’ai pas de statut de résidente permanente et cette situation ne me permet pas de travailler en Jordanie. Je ne peux pas avoir accès au système de santé et je ne peux pas ouvrir un compte bancaire. Mon quotidien n’est donc pas simple, loin de nos espoirs. Mon mari a un poste mais nous souhaitons déménager aux Emirats Arabes Unis et j’y recherche un emploi », dit Dalia.

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Photographie de Hosny Salah – instagram.com/hosnysalahl

Toute sa famille dans la bande de Gaza

Dalia avait prévu de retourner à Gaza pour la naissance de sa nièce : la première petite-fille de la famille. « J’étais impatiente mais la catastrophe a débuté après le 7 octobre 2023 et ce voyage n’a jamais eu lieu », précise tristement Dalia. Dans l’enclave palestinienne, se trouvent encore son père et sa mère, sa sœur et deux frères dont l’un est marié et a trois enfants (parmi lesquels sa nièce née le 15 octobre). « J’y ai aussi treize membres de ma famille proche. Un autre frère vit au Royaume-Uni et son épouse avec sa famille a réussi à le rejoindre il y a plus d’un mois », énumère Dalia. Elle fait en sorte de garder un lien constant avec les siens forcés de quitter leur domicile pour leur sécurité. « Ils sont dans une zone sans réseau téléphonique. Je ne peux donc pas parler avec ma mère. Tous les cinq à dix jours, l’un de mes frères m’envoie des sms afin de me rassurer. Pour cela il se rend à Rafah où il achète aussi de la nourriture et des produits de première nécessité pour ma famille et des familles déplacées dans la même région. Avant je parvenais à passer des appels vidéos mais depuis quatre mois, c’est devenu impossible », précise Dalia.

Maladies cutanées, eau polluée, aucun abri…

La famille de Dalia est originaire de Khan Younes, dans le sud de la bande de Gaza. « Ils ont une vie difficile et chacun a perdu environ 20 kilos. Ils parviennent à peine à trouver de la nourriture et des médicaments tandis que ma mère a des problèmes cardiaques et ma sœur a de l’asthme chronique », décrit Dalia. Après avoir perdu leur maison avec tous leurs souvenirs et les biens immobiliers où ils pouvaient se réfugier, ses proches ont dû s’installer dans la région de Mawasi qui est à l’extrême ouest de la ville de Khan Younes. Ils pensaient trouver un endroit sûr mais en réalité il n’en existe pas. « J’ai été bouleversée quand mon frère m’a décrit les conditions de vie des réfugiés à Mawasi qui peinent à se nourrir et à accéder à l’eau. Alors qu’il fait froid, certains n’ont ni tentes ni vêtements assez chauds. Les maladies cutanées, les allergies sont courantes. L’hygiène est désastreuse tout comme l’eau est polluée et salée car mélangée à l’eau de mer. Sans oublier que les forces armées israéliennes ont détruit les infrastructures de télécommunication », raconte Dalia. Les réfugiés doivent marcher près de 20 kms pour acheter de la nourriture dans le premier marché.

« J’aimerais pouvoir retourner à Gaza pour rejoindre ma famille »

Malgré les déclarations de l’armée israélienne, aucun lieu n’est sûr : maisons, tentes, terrains découverts, rues… « Cela ne peut être ni décrit, ni imaginé. J’aimerais pouvoir retourner à Gaza pour rejoindre ma famille. J’ai souffert avant le début du génocide avec ma situation en Jordanie. Et maintenant je souffre beaucoup plus encore », dit Dalia avec émotion. Être un Palestinien de Gaza et vivre dans les pays arabes, en particulier en Égypte et en Jordanie, est très difficile. En effet, ils n’ont aucun droit et ne sont pas acceptés dans les pays d’accueil en réalité. « Vous savez je ne peux pas imaginer ma vie sans ma mère et ma famille. Je dors à peine et je pleure en regardant les informations toute la journée, en essayant de trouver des moyens d’aider. Je n’aurais jamais pensé que ce serait si difficile. J’ai déjà eu des pensées suicidaires étant séparée de ma famille qui est en danger de mort », déplore Dalia. Elle prie énormément pour la sécurité du peuple palestinien, espérant que quelque chose de différent se produise enfin.

Après plus de 190 jours d’opération militaire israélienne, Dalia continue d’espérer la fin des souffrances des Palestiniens dans la bande de Gaza. De plus, elle se demande si Israël sera vraiment tenu responsable un jour de l’ensemble des dégâts et des tués causés. « Je sais que personne n’empêchera l’occupation de commettre davantage de crimes, cela ne s’arrêtera jamais. Avant, j’étais la plus optimiste sur Terre mais maintenant je suis tout le temps inquiète, terrifiée à l’idée de perdre mes proches. Nous avons tellement perdu, nous avons beaucoup souffert et nous méritons mieux que ce monde », conclut Dalia.

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Dalia avait précédemment été interviewée par le blog en 2017. L’article s’intitulait « Interview de Dalia Shurrab à Gaza : une vie sous blocus, avec deux heures d’électricité par jour ».

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